pour une dramaturgie de l'oral : en ligne prochainement
"Sans clefs la grande armoire" ?
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« De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l’Impair
Plus vague et plus soluble dans l’air,
Sans rien en lui qui pèse ou pose. » […]
Prends l’éloquence et tords-lui son cou ! »
Verlaine, « Art poétique », Jadis et Naguère, 1884
« Voyelles », Rimbaud, 1872, Poésies
A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,
Golfes d’ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;
U, cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d’animaux, paix des rides
Que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux ;
O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
O l’Oméga, rayon violet de Ses Yeux !
LE POETIQUE : la création littéraire (étymologie grecque : « création »)
LA POETIQUE : elle exprime un rapport singulier au langage et au monde.
LA PROSODIE : « bonne prononciation » (1562 <>« prosôdia » : « accent, quantité, dans la prononciation » )
Caractères quantitatifs (durée) et mélodiques des sons, des syllabes en tant qu’ils interviennent dans la poésie (métrique, versification ; mètre, pied) ; règles concernant ces caractères ; règles concernant les rapports de quantité, d’intensité, entre les temps de la mesure et les syllabes des paroles, dans la musique vocale.
LES FORMES FIXES : le sonnet, l'ode (« ôde » = chant) : « Mignonne, allons voir si la rose », Ronsard ; la ballade ; le pantoum (Baudelaire : « Harmonie du soir », « Spleen et Idéal », Fleurs du mal), le blason, l’haïku…
LES FORMES LIBRES : « cohésion nucléaire » d’autant plus forte (Julien Gracq) avec ligne mélodique et effets de reprises thématiques, lexicales, rythmiques => adéquation Sa/Sé (une forme qui fait sens)
Le poème en vers libre
Le poème en prose
« On construit un poème comme une machine », Edgar Poe (traduit par Baudelaire) => le poète, selon Nietzsche, doit être à la fois « apollinien » (le travail de la forme, de l’esthétique) et « dionysiaque » (l'ivresse de l’inspiration, le "démonisme" de Goethe).
LA METRIQUE : la versification ; le mère peut être régulier ou irrégulier, pair ou/et impair
Le vers pair : alexandrin (12), décasyllabe (10), octosyllabe (8)
Le vers impair* : 5, 7 (heptasyllabe), 9, 11 * « De la musique avant toute chose,/ Et pour cela préfère l’Impair/ Plus vague et plus soluble dans l’air, / Sans rien en lui qui pèse ou pose. » Paul Verlaine, « Art poétique » , Jadis et Naguère, 1884
Le vers blanc : on peut le trouver dans un texte en prose (ex. : un alexandrin dans Madame Bovary de Flaubert : « Emma silencieuse* regardait tourner les roues ») * diérèse
LES RIMES : riches (1 phonème), suffisantes (2) , pauvres (1) ; embrassées (ABBA) ; croisées (ABAB) ; suivies (AABB)
LES EFFETS RYTHMIQUES : enjambements (rejets et contre-rejets)
Rythmes binaire, ternaire (romantique : « du bruit mesuré de ses pas, des soupirs de ma mère et du murmure du vent», Chateaubriand ; «Les sanglots longs des violons de l’automne bercent mon cœur d’une langueur monotone », Verlaine)
Rythmes accumulatif (énumérations) ; progressif : gradation (« Va, cours, vole et nous venge », Corneille, Le Cid)
Ruptures de rythmes : hyperbate, anacoluthe (« Exilé sur le sol »/ » Ses ailes de géant », Baudelaire, « L’Albatros » ; « Le nez de Cléopâtre/ s’il eût été plus…/ Toute la face du monde eût été changée», Pascal, Pensées ; », « Oh ! vraiment marâtre Nature, puisqu’une telle fleur ne dure que du matin jusques au soir », Ronsard, « Mignonne, allons voir si la rose »).
LES EFFETS SONORES : harmonie imitative (*« Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes », Andromaque, Racine)
L’allitération : répétition de consonnes (« Enivrez-vous de vin, de poésie et de vertu », Baudelaire)
L’assonance : répétition de voyelles (assonance en « ou » : « Il a deux trous rouges au côté droit . »)
La diérèse : insistance sur un phonème qui devient une syllabe (« les violons de l’automne », Verlaine)
Le e muet : il se prononce en fin de mot à l’intérieur d’un vers si le mot suivant commence par une consonne. Il ne se compte jamais comme une syllabe en fin de vers.
Le hiatus : rencontre de deux phonèmes (« et est »).
LES SONORITES : « Les mots s’allument de reflets réciproques », Mallarmé.
« vertige » : « Valse mélancolique et langoureux vertige », Baudelaire
Fricatives : « Les parfums ne font pas frissonner sa narine » , Rimbaud, « Le Dormeur du val » => associations de fricatives et de vibrantes (dures) pour exprimer la brutalité de la réalité que le lecteur découvre peu à peu : le jeune soldat ne dort pas, il ne respire plus, il est mort. Cette violence du poème est implicite : négation + allitération en « f » + « r » = sonorités désagréables (euphémisme > litote) => « Tranquille » ® + « .Il a deux trous rouges au côté droit . » (allitération en « r »).
Association de plusieurs effets :
« Oh ! vraiment marâtre Nature, puisqu’une fleur ne dure que du matin jusques au soir ! »
allitération de consonnes dures : « r », « s », « v », « f » (fricatives) + anacoluthe et ellipse
L’HARMONIE IMITATIVE :
« Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes », Andromaque, Racine => *assibilation : S, la « lettre serpent », Paul Valéry
« Tout m’afflige et me nuit et conspire à me nuire », Racine, Phèdre : allitération de nasales (sonorités sourdes)
LES JEUX D’ECHO: reprises thématiques, rythmiques et sonores = effets de rimes intérieures (armature interne)
L’EUPHONIE : harmonie de sons agréablement combinés ; du grec « eu » (bien) et « phône » (son) [ « et est » – « sa vraie apparence » (véritable) – « c’est… qui » - de par]
"Amant alternae Camenae", Virgile
("Les Muses aiment les chants alternés")
« La poésie de Baudelaire doit sa durée et cet empire qu’elle exerce encore, à la plénitude et à la netteté singulière de son timbre. Cette voix, par instants, cède à l’éloquence, comme il arrivait un peu trop souvent aux poètes de cette époque ; mais elle garde et elle développe presque toujours une ligne mélodique admirablement pure et une sonorité parfaitement tenue qui la distinguent de cette prose […]. Mais la plus grande gloire de Baudelaire est sans doute d’avoir engendré quelques très grands poètes. Ni Verlaine, ni Mallarmé, ni Rimbaud n’eussent été ce qu’ils furent sans la lecture qu’ils firent des Fleurs du Mal à l’âge décisif. »Paul Valéry, Situation de Baudelaire.